mardi 23 octobre 2007

La Textbox, le caisson de Bas Böttcher

Reportage
Samedi 21 et dimanche 22 octobre, le Centre Georges Pompidou était le théâtre d'une étrange manifestation. Dans le hall d'entrée,le public se massait devant une boîte en plexiglas. A l'intérieur, un micro et deux écrans constituaient le seul décor. Quelqu'un arriva, s'enferma dans ce cube, puis invita les gens à prendre l'un des nombreux casques à leur disposition. Sans ces précieux outils, impossible d'entendre quoi que ce soit, la boîte étant totalement hermétique. De loin, on ne voyait donc qu'un homme gesticuler devant un micro, devant un auditoire relié par la tête à son interlocuteur. Impossible à première vue, pour quiconque arrivant sur place, de comprendre qu'une représentation de slam était en train d'avoir lieu. Pourtant, Bastian Böttcher était bel et bien en train de présenter ses textes dans sa bien nommée Textbox.

Bas Böttcher et sa Textbox
« Le plus petit média de masse au monde »

Ce berlinois, ancien étudiant à l'université du Bauhaus, est un artiste aux multiples facettes. Les moyens modernes de communication sont le sujet récurrent de l'oeuvre de ce chanteur, rappeur, slameur, poète et écrivain. S'intéressant de plus près au problème de la transmission de ses textes au public, il est parti d'un constat : « De même que le poète s'intéresse à tout ce qui est constitutif de la poésie, (le rythme, la disposition des strophes, la métrique), il faut aussi s'intéresser aux médias qui la transportent, à la façon dont elle va être diffusée. Aujourd'hui, le "job" du poète, c'est que la poésie atteigne celui ou celle à qui elle est destinée ». Habitué des grands festivals, où le brouhaha général prend le pas sur les lectures, Bas Böttcher a donc fabriqué son propre média, « une sorte de maison d'édition », où il peut déclamer sa prose, dans les environnement les moins propices. Le bruit qui régnait ce week-end à Beaubourg en faisait donc l'endroit idéal pour installer la fameuse boîte à texte.

Bas Böttcher à la foire du livre de Leipzig en 2006



« Être plus proche du public »

Outre Bas, d'autres slameurs étaient invités comme le français D' de Kabal, pour présenter leurs compositions. Poésie moderne, la force du slam réside avant tout dans le poids des mots, leur rythmique et leurs sonorités. La Textbox amplifie ce phénomène. « Isolé » de l'extérieur grâce aux casques, on peut alors totalement se concentrer sur la prose de ces poètes urbains. Afin d'être un média universel, la boîte est dotée de deux écrans, passant en simultané la traduction des textes. C'est alors au public de choisir : soit il choisit de lire, soit il ferme les yeux, pour mieux saisir les assonances et les rimes. Cela permet, selon Böttcher « que l'essence de la poésie, les sonorités les plus fines, puissent atteindre les auditeurs ». Certains voient pourtant dans la vitre séparant l'orateur de son auditoire, une marque de rupture. D' n'est pas de cet avis ; pour lui « la vitre protège, mais ne coupe pas de celui qui performe ». Aussi enthousiaste que le public après ces deux jours enfermé dans la boîte, il résume parfaitement le concept de la Texbtox : « Ce que je trouve fabuleux, c'est que l'écoute, les gens vont la chercher [...] de la même façon que quand ils en ont assez, ou que ça ne leur plaît pas, ils se débarrassent du casque aussi vite qu'ils sont venus ! ».

Clément VOGT

Pour plus d'informations sur Bas Böttcher :
http://www.basboettcher.de/
Sur la Textbox :
http://www.textbox.biz/


Crédits photos :
Bas Böttcher et sa Textbox - copyright C. VOGT
Bas Böttcher à la foire du livre de Leipzig en 2006 - copyright :
www.timobrunke.de

lundi 22 octobre 2007

Un festival en trois temps, pour des images à l’infini

REPORTAGE
Du 12 au 21 octobre La Ferme du Buisson, Scène nationale de Marne-la-Vallée, accueillait pour sa sixième édition le festival Temps d’images plus que jamais ouvert sur la création issue des quatre coins de l’Europe et d’ailleurs. Récit d’un parcours choisi en trois temps.

16h30, première étape du parcours: l'exposition.
Bien installé dans sa chaise longue, sirotant un jus d’orange tout en lisant son livre, le spectateur de Temps d’images, a pu ce dimanche goûter avec délectation aux derniers rayons de soleil malgré la fraîcheur automnale. Entre deux représentations il aurait été bête de ne pas en profiter. Le pass’ festival en poche, pourquoi ne pas s’attarder aussi sur les installations du Centre d’art de La Ferme et son exposition. Installations vidéo, numériques et interactives, les étudiants du Fresnoy (Studio National des Arts Contemporains), artistes de demain redoublent d’imagination pour surprendre le spectateur dans le domaine des arts visuels. Leur choix quant aux œuvres exposées n’est pas sans illustrer la dimension européenne du festival. Artistes français, néerlandais, anglais, biélorusse, l’image traverse les frontières pour se réunir dans un même lieu. La première salle de l’exposition, la Galerie des portraits flamands, déstabilise. Rien d’impressionnant aux premiers abords. Des portraits comme tout photographe pourrait en faire, mais parce que l’artiste Eleonor Saintagnan n’est pas comme les autres, elle a choisi de faire poser cette série d’habitants rencontrés à Roubaix pendant cinq minutes sans bouger. L’effet est immédiat. Pour passer d’une salle à l’autre, Dmitri Makhomet et son installation numérique Rue en rue permet au spectateur de « découvrir » les poésies de l’écrivain russe Vladimir Maïakovski. Pas si évident en effet puisque les phrases d’un poème sont créées en image 3D et projetées sur le sol, « ressemblant à un espace de vagues, de ruines de poésie, de révolution et d’amour ».

18h30, deuxième étape du parcours : « de la guitare pour en découdre avec des images qui n’en sont peut-être pas ».
Une annonce générale retentie dans le hall du théâtre pour signaler aux festivaliers que l’intervention musicale de Paulo Furtado va commencer. Au studio de La Ferme, chacun est alors invité à prendre place autour de l’artiste. Officiant sous le nom de « The Legendary Tiger Man », le Portugais Paulo Furtado, guitariste et membre par ailleurs du groupe Wraygun surprend lui aussi son public. On ne comprend pas tout de suite, pourquoi le musicien passe d’un son à un autre, pourquoi cet écran reste blanc et puis c’est l’explosion. Chaque son enregistré s’assemble pour donner une musique dont la puissance retentie sur des images suivant le rythme. L’effet est saisissant mais malheureusement trop court. Quarante cinq minutes n’auront pas suffi pour rassasier les amateurs de musique iconoclaste.

20h30, troisième et dernière étape du parcours : « Hamlet à l’heure des tabloïds et de la peopolisation à outrance ».
Kiss of Death, la pièce d’Isabelle Soupart chorégraphe belge est un mélange de théâtre, danse, musique et vidéo. Lunettes noires des comédiens, et ralentis des mouvements, ne sont pas sans rappeler un certain Matrix. Répétitions du discours, mélange des pistes, dédoublement de l’espace et des corps, produisent le même effet qu’un Mulluland Drive de David Lynch. Le public est parfois un peu perdu dans cet univers étrange où les vestiges de la pièce shakespearienne se mêlent à une réflexion ultramoderne sur les médias, l’utilisation de l’image et du scoop dont s’abreuvent les paparazzi. « No pictures ! No pictures ! », scande la comédienne. L’instruction sera la même pour les spectateurs pendant la pièce. Un paradoxe pour cette représentation dont le support est avant tout l’image et la vidéo. Tant d’images auront eu raison de nous. Une overdose dont les habitués du festival ne se lassent pas, et pour laquelle ils nous donnent déjà rendez-vous l’année prochaine.


Charlotte Cambier.


Photo 1: La Ferme du Buisson (Charlotte Cambier)
Photo 2: Paulo Furtado (Charlotte Cambier)
Photo 3: Les comédiens de Kiss of Death (Charlotte Cambier)


Pour tout renseignements sur La Ferme du Buisson et sa programmation :
Standard/information au 01 64 62 77 00
Programme cinéma au 01 60 17 92 07
http://www.lafermedubuisson.com/
La Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée
Allée de la Ferme – Noisiel/ 77448 Marne-la-Vallée cedex 2
A 20 minutes de Paris Nation
En RER : RER A, direction Chessy Marne-la-Vallée, arrêt Noisiel, puis fléchage (5 min à pied).

L’imagination optique de Klaus Pinter

Critique


"Corps en rotation" , Klaus Pinter
Pneumatic sculpture and motor.


Longtemps considérée comme une place forte de la culture européenne et dont les artistes ont souvent perpétué cette vieille tradition relevant un peu du poncif, l’Autriche n’en continue pas moins d’étonner sur la scène européenne par la production d’œuvres quelques fois loufoques et fantasmagoriques d’artistes comme Klaus Pinter.
Le forum culturel autrichien, fer de lance de la promotion de la vie culturelle artistique à Paris, met en scène depuis le début du mois de septembre, les œuvres du célèbre sculpteur, représentées déjà au Panthéon par deux énormes sphères roulées, l’une suspendue et l’autre au sol.



"Rebonds Panthéon", Klaus Pinter
Mixed media on paper

Cette réalisation artistique a marqué les esprits et suscité une énorme admiration pour cet artiste autrichien très inspiré et avant-gardiste. Dans tous ses travaux, Klaus Pinter donne à voir dans l’image immobile du monde, des déplacements possibles et « ceux peut-être à venir ». Ainsi dans « Mind Expander » récemment exposé au Centre Pompidou, le sculpteur autrichien concevait déjà son projet visionnaire de la constellation d’objets « pneumatiques, éphémères, transformables, transparents qui participaient » alors « à la réflexion des années 1970 où tout était remis en question ». Durant cette décennie, Klaus Pinter s’oriente vers les espaces à forte connotation historique et culturelle d’où il convoque les strates du temps, les imbriquant, les superposant, mélangeant les genres pour en faire son œuvre, laissant ainsi une empreinte sur ses travaux.
Toujours à la recherche de l’inédit et de l’inouï, Klaus Pinter s’investit dans des sculptures ingénieuses où il décrit des oeuvres à formes géométriques aussi imposantes que surprenantes. Aujourd’hui, les œuvres réalisées par l’artiste autrichien, recèlent, dans leur exposition et leur mise en scène une collusion avec l’inachevé. Aéronefs en suspension, soucoupe lumineuse retenue dans l’espace par des fils, évoquent un calme et un statisme apparents qui entraînent l’imagination vers d’autres horizons. Alors le voyage va-t-il se faire ? Ce qui frappe en réalité dans cette exposition, c'est l'alliance qui s'opère entre objet et espace qui emporte le visiteur dans un univers virtuel si loin et si proche.
La galerie Pièce Unique s’associe avec le Forum Culturel Autrichien pour faire découvrir au grand public Klaus Pinter sur le thème « Corps en rotation ». Cette œuvre exposée est constituée de « cinq grands disques de dimensions différentes qui semblent figés dans leur mouvement ». Toute cette construction apparente de « corps tournoyants » et transparents s’ancrant dans un axe, semble surnager librement dans l’espace. Nous voici sans doute invités au voyage optique, concept tant développé dans les travaux de Klaus Pinter.

Johannès Lissa



Klaus Pinter est né en Autriche en 1940. Il vit et travaille à Paris et à Vienne.

Exposition « Corps en rotation » à la Galerie Pièce Unique du 20 septembre au 17 novembre 2007.
Entrée libre : du mardi au vendredi 11h à 13h et de 14h30 à 19h. Le samedi 11h à 13h et 14h30 à 17h.
Galerie Pièce Unique,
4 rue Jacques Collot, 75006, Paris. Tél : 0143265458
26/28 rue Mazarine, 75006, Paris. Tél : 0143268593
Métro Odéon ou Saint Germain-des-Prés.

Une plongée dans l’univers de l’artiste suisse Ugo Rondinone

REPORTAGE
Le Palais de Tokyo laisse en ce moment carte blanche à l’artiste Ugo Rondinone, qui y imagine une vaste création intitulée The Third Mind. Cet artiste contemporain de renommé internationale, travaillant sous formes de vidéos, de peintures, de photographies et d’installations, se fait ici commissaire d’exposition. Car ce qu’il présente au Palais de Tokyo, ce n’est pas son œuvre à proprement parler, mais une exposition regroupant des œuvres de 31 artistes qui l’influencent. Décrite comme « une sorte de cartographie du cerveau de l’artiste, de ses désirs et de ses influences », The Third Mind offre une déambulation parmi les œuvres d’artistes différents, mais confrontées les unes aux autres selon la vision d’Ugo Rondinone.
La diversité des créations présentées peut dérouter le visiteur non averti. Beaucoup d’entre elles évoquent l’organicité, plus ou moins proche du corps humain. Mais d’autres, telle la série de salles d’attentes vides du Suisse Jean-Frédéric Schnyder, sont exemptes de toute vie humaine. Il est en tous cas remarquable que des œuvres de formes si diverses, créées par des artistes d’horizons variés, soient ici regroupées et confrontées en raison de leur appartenance commune au « cerveau » d’Ugo Rondinone. L’exposition rassemble ainsi les œuvres d’une douzaine d’artistes européens.



Le visiteur est accueilli par l’installation Car Park, de la Londonienne Sarah Lucas, qui met en scène une voiture vandalisée et des séries de reproductions de parking déserté couvrant le mur en arrière-plan. Il découvre les sculptures organiques de l’Autrichien Bruno Gironcoli, et l’installation du Suisse Urs Fischer, qui a transporté son studio londonien pour en faire une œuvre sur le processus de création. Le plafond d’une des salles est occupé par l’installation lumineuse When Now is Night (web) de Martin Boyce, sculpteur et designer écossais.
The Third Mind présente également d’impressionnantes sculptures anthropomorphes, d’effets très différents. Celles du Suisse Hans Josephsohn sont des amas de matière évoquant des personnages alanguis, tandis que la Britannique Rebecca Warren figure, à travers des masses d’argile informes, une série de femmes déstructurées, agressives et grotesques.



La démarche d’Ugo Rondinone est de constituer, à travers ces confrontations d’œuvres d’autres artistes, une œuvre à part entière. C’est ce que signifie le titre de l’exposition, The Third Mind, qui rend hommage au livre éponyme de William S. Burroughs, écrivain de la Beat Generation, et de l’artiste Brion Gysin. Ce livre a été conçu selon la méthode du cut-up, consistant à couper et réassembler divers fragments de phrases pour leur donner un sens totalement nouveau et inattendu. Ugo Rondinone inscrit cette exposition dans la même démarche, la rencontre entre l’événement imaginé et les œuvres rassemblées devant révéler une œuvre nouvelle, comme créée par un troisième artiste.


The Third Mind, carte blanche à Ugo Rondinone
Du 27 septembre 2007 au 3 janvier 2008 au Palais de Tokyo
13 avenue du Président Wilson, 75016 Paris.
www.palaisdetokyo.com
Ouvert de midi à minuit tous les jours sauf le lundi.


Claire Mittau

mardi 16 octobre 2007

Frontières et migrations au cœur des productions culturelles à Paris

REPORTAGE
Si la Suisse ne fait pas partie de l’Union européenne c’est pourtant au Centre Culturel Suisse de Paris qu’a lieu depuis début septembre tout un programme autour de L’Europe en devenir. Exposition, théâtre, conférences, cinéma, à travers ces supports c’est dans la sphère citoyenne et culturelle qu’est analysée l’Europe et sa construction. La question des frontières et des migrations, plus présente que jamais sur la scène européenne, ne pouvait être qu’abordée au cours de cette manifestation qui se terminera fin octobre. Pour preuve, le poster créé pour l’exposition est consacré à l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, FRONTEX. Son auteur, Peter Spillmann, un artiste Suisse comme la plupart des intervenants liés à ce projet, est aussi associé à l’exposition temporaire du centre culturel, sur le projet MigMap. Celui-ci formule visuellement où et comment la production de connaissance est en train de prendre place dans le champ de la migration. Quatre cartes interactives fournissent au spectateur un nombre d’information sur les acteurs, débats, processus et événements, qui établissent les actuelles politiques migratoires européennes.

Un projet, The Maghreb Connection
Dimanche, dans la salle de projection du centre culturel, c’est devant un public peu nombreux mais averti, qu’un autre artiste s’est exprimé sur ce qui constitue aujourd’hui un des problèmes majeurs de l’Union européenne. Ne pouvant dissimuler une réelle timidité, Raphaël Cuomo jeune réalisateur suisse s’est excusé de l’absence de sa collègue Maria Iorio qui devait être elle aussi présente pour la projection de leur film Sudeuropa. Faisant parti d’un projet bien plus vaste commencé en 2005, The Maghreb Connection, présenté quelques jours plus tôt par son investigatrice Ursula Biemann, ce film s’inscrit dans le souci de « couvrir une dimension transnationale » explique Raphaël Cuomo. En effet, The Maghreb Connection est un projet international d’art et de recherche qui s’intéresse aux systèmes et modalités de mouvements migratoires concernant le Maghreb et l’espace méditerranéen. L’objectif est de montrer la complexité grandissante de la mobilité en Afrique du Nord en relation avec le développement de l’Union Européenne.


Lampedusa, des stars aux clandestins
Le film, Sudeuropa, a été réalisé à Lampedusa. Île italienne plus proche de l’Afrique que des côtes européennes, son tourisme qui s’y développe dans les années 1970 en fait le lieu fréquenté par les stars du showbiz et de la télévision italienne. Depuis 1977 et les accords de Schengen, Lampedusa est aujourd’hui associé aux clandestins venant des côtes libyennes et tunisiennes. « Une forte présence militaire et des centres de détention caractérisent cette zone qui est aujourd’hui largement sous contrôle. Et il n’y a plus de bateau qui ne soit intercepté » explique Raphaël Cuomo à son public.

Une approche singulière
Dans la salle, une fois les lumières éteintes, les images de falaises filmées du ciel apparaissent. Paysages magnifiques, vacanciers au bord de l’eau, une voix féminine italienne sort alors le spectateur de cette rêverie pour l’amener vers d’autres réalités, celle des « clandestinis ». Les images tranchent avec la réalité des faits évoqués, pas un clandestin n’est montré tout au long des trente-huit minutes que constituent cette vidéo-essai. Un choix qui selon l’auteur cherche à illustrer « l’invisibilité qui fait aussi l’objet d’enjeu en vue de préserver les intérêts de l’économie du tourisme. » Pour les deux réalisateurs, il s’agissait de « montrer que les aspects concrets de la vie de l’île sont une matérialisation directe des politiques d’immigration. Les frontières intérieures en Europe tendent à disparaître mais les frontières extérieures se renforcent. » Or « le tracé de la frontière ne passe pas par Lampedusa. Donc c’est une frontière qui complique encore cette frontière extérieure. »

Journaliste à la recherche d’une histoire
Le paradoxe qu’ils ont ainsi voulu illustrer est clair : d’un côté économie touristique et de l’autre enfer de l’immigration montré par les médias. « Cette imagerie qu’ils véhiculent était aussi le point de départ de ce travail » explique Raphaël Cuomo. Une vision des migrants sous contrôle qui sont en quelques sortes mis en scène par le dispositif policier et dont les journalistes s’abreuve. Retour au film : « J’ai besoin de deux belles histoires avant de rentrer en Allemagne, connais-tu des clandestins ici ? ». La voix off n’est pas celle du journaliste allemand faisant cette demande mais celle d’Abdel Ahmid qui raconte, l’autre visage inconnu du film. Raphaël Cuomo nous explique alors qu’il travaille pendant l’hiver à Lampedusa et retourne en Tunisie quand on le met au chômage forcé lors des périodes non touristiques. De cette collaboration est née une amitié et un projet futur, cette fois-ci sur les côtes tunisiennes nous explique le jeune réalisateur. L’immigration n’a donc pas fini de faire parler d’elle. Et si au Centre Culturel Suisse ce dimanche, elle fut surprenante et artistique dans ce court-métrage, n’oublions pas qu’elle est aussi un sujet bien politique.




L’Europe en devenir (Partie 1) du 9 septembre au 28 octobre :
Exposition principale qui présente des réflexions sur l’Europe
Exposition Les plus beaux livres suisses 2006 (bibliothèque), du 27 septembre- 30 décembre.
Table ronde : Jeudi 18 octobre Être et avoir – Qu’est-ce que l’expérience ? Où sont les lieux de nos pensées ? (18H), Littératures européennes : littératures nationales ou transnationales ? (20H) ;
Jeudi 25 octobre L’oubli - Faut-il des monuments ? Comment transmettre des expériences ? (18H)
Conférence : Jeudi 25 octobre, 20H, Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) – une institution onusienne pour l’Europe par Stefan Trechsel, juge au TPIY (20h).
Cinéma : Dimanche 21 octobre, 18H, Das Fräulein (Demoiselle) (2006, 81’, VOSTF) d’Andréa Štaka ;
Dimanche 28 Octobre, 18H, La liste de Carla (2006, 35mm, 95’) de Marcel Schupbach.

Centre Culturel Suisse
38, rue des Francs-Bourgeois
75003 Paris
Métro : St-Paul ou Rambuteau
http://www.ccsparis.com/

Charlotte Cambier.


Photo 1: Exposition principale L'Europe en devenir (Charlotte Cambier)
Photo 2: Raphaël Cuomo, réalisateur du film Sudeuropa (Charlotte Cambier)

lundi 15 octobre 2007

De Tokio Hotel à Fass Binder : sprechen Sie deutsch in Paris ?

Le nouvel Institut Goethe de Paris - Photo & copyright Jean-Marie Monthiers


L’engouement des jeunes adolescents français pour le groupe allemand Tokio Hotel, a provoqué un net regain des inscriptions en cours d’allemand dans les collèges de l’hexagone. Alors que l’institut Goethe vient de fêter sa réouverture la semaine dernière, quels sont les moyens mis en œuvre pour promouvoir la culture germanique dans la capitale ?
Le 4 octobre 2007, après plusieurs mois de travaux, l’institut Goethe à réouvert ses portes dans la capitale française. Présent dans plus de 80 pays, avec plus de 129 établissements, c’est le premier acteur de la vie culturelle allemande à l’étranger. A Paris, ses locaux sont situés 17 rue d’Iéna et au 31 rue de Condé. Ses missions sont multiples. Tout d’abord, permettre l’apprentissage de la langue dans les meilleures conditions. Salles de classes et de conférences remises à neuves, bibliothèque et salle de projection high-tech, tous les éléments sont réunis pour apprivoiser la langue de… Goethe !
Ensuite, et c’est ce qui nous intéressera aujourd’hui, l’institut se doit d’être la vitrine de la culture allemande : musique, danse, cinéma, arts plastiques, littérature… Ecouter le dernier dj berlinois à la mode, revoir les chefs d’œuvres de grands cinéastes, ou participer à une conférence avec Gunther Grass est maintenant possible, grâce à la grande diversité du programme culturel mis à la disposition du public parisien.
Fort du succès des derniers longs métrages d’outre Rhin dans l’hexagone (« La vie des autres » a attiré cette année plus de 600 000 spectateurs), la production cinématographique est à l’honneur en 2007. Outre le « 12ème festival du film allemand » (voir par ailleurs), l’institut organise dans le cadre des « samedis du cinéma allemand » des projections à thème. En haut de l’affiche ces prochains mois, plusieurs réalisatrices de renom se succèderont pour présenter ou représenter leurs films, devenus des classiques de l’autre côté de la frontière. Profitant aussi de la programmation au Grand Rex de Berlin-Alexanderplatz, une exposition documentaire est dédiée à Fassbinder. Les affiches de ses films et les commentaires de grands réalisateurs sur son œuvre sont ainsi juxtaposés, permettant de mieux comprendre l’influence qu’il légua à ses contemporains.
Les manifestations musicales ne sont bien sûr pas en reste. Chaque année, la tournée « deutschminimal » présente les meilleurs artistes de la scène pop électronique allemande, dans les capitales européennes. N’ayant pas encore les dates de la prochaine édition, nous ne pouvons que vous conseillez d’aller jeter un œil (une oreille !) au « festival music-allemand n° 7 », qui aura lieu le samedi 27 octobre. Du punk rock des Goldenen Zitronen de Hambourg au hip-hop électronique de Jahcoozi , il y en aura pour tous les goûts. Lors de son discours d’inauguration, Mme Limbach, présidente des Goethe-Institut, avait demandé que l’antenne parisienne devienne « un lieu central de rencontre entre la culture française et la culture allemande ». Parions qu’avec une programmation aussi éclectique, son souhait se réalise.



Les samedis du cinéma allemand. Cinéma l’Arlequin. Prochaines projections : samedi 27 octobre et 24 novembre (entrée 6 euros).
Fassbinder 1945 – 1982, exposition documentaire du 2 octobre au 15 novembre, Goethe-Institut, 17 avenue d’Iéna, 75016 Paris (entrée libre).
« Festival music-allemand n° 7 », le 27 octobre à la Bellevilloise, 19-21 rue Boyer, Paris 75020 (15 euros).

Clément VOGT @ le Paris culturel de l'Europe.

Ririez-vous d’Hitler ?

DECRYPTAGE
Le 12e Festival du cinéma allemand de Paris donne l’occasion de découvrir en avant-première Mon Führer : la vérité vraiment la plus véritable à propos d’Adolf Hitler. Lors de sa sortie en Allemagne, en janvier dernier, cette comédie avait provoqué une polémique qui s’était étendue au reste de l’Europe en soulevant la question : peut-on rire des Nazis ? Le réalisateur Dani Levy est accusé, à travers ce qu’il voulait être une comédie subversive, d’humaniser à l’excès le dictateur. L’histoire se déroule en décembre 1944, peu avant l’effondrement du régime. Hitler a perdu toute capacité à enflammer les foules par ses discours, et le chef de la propagande Goebbels a l’idée de le faire « coacher » par un professeur de théâtre juif. Celui-ci est alors sorti de Sachsenhausen, et va s’employer à ridiculiser le Führer.

La polémique autour du film est lancée par celui-là même qui interprète Hitler, l’acteur Helge Schneider. Il déclare au journal suisse Sonntagsblick qu’il n’aime pas le film et ne le trouve pas drôle. L’association entre humour et nazisme pique ensuite l’intérêt de la presse européenne, qui se demande alors si on peut rire de tout.
L’hebdomadaire allemand Die Zeit dénonce une comédie psychologisante et humanisante, recourant à l’idée d’une enfance maltraitée et solitaire pour présenter Hitler comme un cas psychiatrique. Cette description d’un dictateur impuissant et pathétique laisse au journal genevois Le Temps un malaise persistant, tandis le quotidien italien La Stampa estime que : « cela se voulait un film drôle, ce n’est qu’un film irritant ». Seul le Journal du Dimanche, dans un article paru cette semaine à l’occasion du Festival du cinéma allemand, se laisse séduire et va jusqu’à déclarer qu’il y a « du Lubitsch, du Chaplin et du Benigni dans ce film férocement satirique, où le ton entre rires et larmes fonctionne à merveille ». Mais la presse européenne souligne unanimement que Chaplin a réussi à faire rire d’Hitler avec bien plus de justesse.

Le mieux reste sûrement de vous faire votre propre opinion sur ce film et la polémique qu’il provoque en Europe. En attendant une probable sortie dans les salles françaises, le Festival du cinéma allemand de Paris programme Mon Führer les 14, 15 et 16 octobre prochains.


La 12e édition du Festival du cinéma allemand propose non seulement des films en avant-première, mais aussi des courts métrages et une programmation jeunesse. Plusieurs documentaires reflétant l’Allemagne d’aujourd’hui et sélectionnés par le Goethe-Institut sont également projetés. Le film De l’autre côté, de Fatih Akin, prix du meilleur scénario au dernier Festival de Cannes, clôture cette programmation.
Du 10 au 16 octobre au cinéma L’Arlequin à Paris (6e arrondissement).


Claire Mittau

dimanche 14 octobre 2007

L'automne des fleurs suédois. Carl von Linné réhabilité à Paris.

Magnolia Stellota (Helen Schmitz)

Critique


Helen Schmitz








Pour une première, c’est un coup de maître : réhabiliter et faire connaître Carl von Linné, naturaliste et médecin suédois, né en 1707 et qui s’est intéressé très jeune à la botanique et à la codification complexe des plantes et fleurs. L’un des concepts préférés de Linné était l’idée de la grande chaîne de la nature. Pour Carl von Linné, cette notion a pris une importance grandissante. Il considérait, bien entendu, que la création formait une hiérarchie au sommet de laquelle se trouvait l’Homme, d’où son idée de la classification de l’espèce vivante. On sent chez lui un « pré-darwinisme ». Ainsi, Linné, connu avant tout pour ses récits de voyage, s’appliqua à analyser la structure des plantes par des observations qu’il racontait dans ses carnets de voyages qui ont inspirés nombres de scientifiques. Au nombre de ceux-ci, Flora Laponica (1 737) où Linné se considérait comme le précurseur de l’écologie.

Et dans le cadre du tricentenaire de la naissance de Carl von Linné
1, le Centre Culturel Suédois a réussi le pari de faire exposer Helen Schmitz, photographe à la réputation mondialement établie, licenciée en histoire de l’art et vivant à Stockholm. Helen Schmitz est influencée par l’œuvre de Carl von Linné sur la classification des plantes à laquelle elle s'attache à en montrer la pertinence par la photographie. Ainsi sur le thème Système et Passion - Le rêve de Linné de l’ordre et de la nature, Helen Schmitz a fait le choix de « représenter chacune des vingt-quatre classes établies par Carl von Linné » par « un agrandissement des fleurs sur fond noir » et sur des formats de 70cm/90cm2.
Cette exposition s’inspire pour une grande part de son livre "Blow Up" publié en 2003. Helen Schmitz, admiratrice de Linné, s’attache à la lecture studieuse et intelligente des textes du botaniste suédois. Elle montre à travers ses œuvres photographiques que les plantes et les fleurs sont soumises à un système unique de classification des organismes vivants, postulant sur un fondement sexuel des plantes.

Helen Schmitz profite donc de cet automne à Paris pour nous faire revisiter à travers cette exposition les classiques de Carl von Linné, presqu'inconnu du public français. Exposition qui a le mérite de confirmer l'immense talent de cette photographe hors norme.

À voir absolument!


©Johannès Lissa





1 www.linnaeus2007.se.
2 Actuellement au Centre Culturel Suédois jusqu’au 28 octobre 2007 (Centre Culturel Suédois. Hôtel de Marie, 11 rue Payenne, 75003. Paris. Métro Saint-Paul ou Chemin vert. Tél: 0144788015).


Au début des années 1735, le scientifique suédois Carl von Linné, présente son système de classification des plantes basée sur les caractéristiques sexuelles des êtres vivants dans son célèbre livre Systema Naturae. Cette théorie suscita à cette époque un remous dans le microcosme scientifique qui n’accepta pas les comparaisons de Linné avec la sexualité humaine. Mais quelques années plus tard, justice fut rendue au « maître Linné » par le succès retentissant et international que suscita sa théorie. Et aujourd’hui dans son livre, le Rêve et l’ordre dans la nature, Helen Schmitz met en scène les vingt-quatre classes de Linné par d’excitantes et de belles photographies.<