mardi 18 décembre 2007

Expériences européennes aux Rencontres internationales Paris/Berlin/Madrid

REPORTAGE

L’Europe faisait l’objet, le 28 novembre dernier, d’une des soirées de projections des 14e rencontres internationales Paris/Berlin/Madrid. Un programme de quatre « documentaires expérimentaux », de réalisateurs finlandais, français, suisse et néerlandais, qui laissait augurer au spectateur qui n’en savait pas plus une soirée sous le signe de la création européenne. Entre « nouveau cinéma et art contemporain ».

Une Europe dans la distance
Surprise. Si seuls trois films ont finalement été projetés, leur véritable thème et l’intensité tragique qui s’en dégageait leur a conféré un impact imprévu. L’Europe y était vue de l’extérieur, dans la distance qu’elle peut instaurer entre les personnes.
Le documentaire Sudeuropa s’intéresse à la médiatisation de l’île italienne de Lampedusa, porte méridionale de l’Europe où arrivent de nombreux immigrés clandestins. Des voix d’animateurs télé résonnent sur des images des côtes de l’île, paradoxalement vides. Les migrants qui arrivent sont aujourd’hui capturés loin en mer, plus personne ne peut les voir. Alors nous suivons des équipes TV à la recherche d’images, et des touristes qui s’étonnent de ne voir des clandestins nulle part. Quelques images floues de débarquements à la lumière des projecteurs. Tout passe en réalité par les voix off, car les immigrants sont invisibles.

Alors que Sudeuropa développe son sujet sur quarante minutes, trois minutes suffisent à Spectaakkeli pour impressionner le spectateur. Un vieil Iranien se tient torse nu devant un lac. Il nous explique en voix off que la découverte du film Spartacus a représenté pour lui une expérience fondatrice. Il était alors étudiant, vivait sous la dictature du Shah, et s’est identifié à Kirk Douglas et à cette utopie de la révolte. Jan Ijäs, le réalisateur finlandais, a rencontré ce réfugié à l’agence pour l’emploi finlandaise. « Il ne parlait pas finnois, mais était un grand fan de cinéma hollywoodien. Nous avons parlé avec les mains de l’Iran, du film Spartacus et de Kirk Douglas ». De cette rencontre est né Spectaakkeli, qui forme un portait d’une sobriété tragique.

L’utopie de la rencontre
Le dernier des films projetés est une fiction expérimentale de Philippe Terrier-Hermann. Une résidence d’artiste sur une île, en fait un ancien hôpital psychiatrique vénitien, lui permet de mettre en scène la « non rencontre » entre cinq résidents. Ils se parlent, mais chacun dans sa propre langue et sans prêter aucune attention à son interlocuteur. Un jeune homme belge décrit les scènes absurdes que génère la cohabitation entre Wallons et Flamands. Un Mexicain énumère une série d’horaires de bus et de correspondances, tandis qu’une jeune Irlandaise souffre d’avoir perdu sa propre langue : « Je voudrai vous parler dans ma langue, mais je suis obligée de parler anglais. Je ne me souviens que de choses inutiles dans ma langue ». Ce dialogue de sourds contraste avec la sérénité du magnifique jardin de l’hôpital, où résonnent les chants des oiseaux. Philippe Terrier-Hermann a voulu montrer que les frontières existent tant que les gens restent dans leur propre sphère, obnubilés par leurs propres problèmes. Il met à mal « l’utopie de mettre les gens ensemble », celle-là même qui l’a amené sur cette île et a présidé à la réunion de tous ces artistes. « Les acteurs du film sont les autres artistes présents avec moi. Ils ont joué des caricatures d’eux-mêmes » déclare le réalisateur. Ces « nouveaux fous » sont malades des difficultés de la cohabitation européenne, et semblent vouloir nous rappeler que les distances ne pourront jamais être totalement abolies.

Claire Mittau


Raphäel Cuomo et Maria Iorio, Sudeuropa, 40:00, Suisse/Pays-Bas, 2007.
Jan Ijäs, Spectaakkeli, 03:00, Finlande, 2006.
Philippe Terrier-Hermann, Uccellini fiamminghi e vaporetti irlandesi, 10:15, France, 2007.

Plus de renseignements sur les 14ème Rencontres internationales Paris/Berlin/Madrid dans l'article Nouveau cinéma et art contemporain partent à la rencontre du public, de Charlotte Cambier.

lundi 17 décembre 2007

Nouveau cinéma et art contemporain partent à la rencontre du public

Reportage

A l’occasion des Rencontres internationales Paris/Berlin/Madrid, les amateurs de nouveau cinéma et d’art contemporain pouvaient rencontrer les directeurs et curateurs de musée et de centre d’art européen à Pompidou. Pour cette première journée de table ronde, il fallait néanmoins suivre le débat.




Les Rencontres internationales Paris/Berlin/Madrid, speed-dating version européenne, ou comment rencontrer l’Espagnol qui vous convient. Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas là du dernier salon en date à Paris destiné aux célibataires européens, mais bien d’un événement culturel de premier plan qui a lieu depuis 1997 et qui a investi les centres culturels de la capitale fin novembre. Consacrée aux nouveaux cinémas, à la création vidéo contemporaine et au multimédia, le festival réunit chaque année des œuvres d'artistes et de réalisateurs reconnus sur la scène internationale mais aussi de jeunes artistes et réalisateurs peu diffusés. La programmation de cette année, réalisée parmi plus de 5000 propositions reçues, rassemble à Paris 200 oeuvres de France, d'Allemagne, d’Espagne et de 60 pays. Elle sera présentée à Madrid en avril et à Berlin en juin 2008. Du Palais de Tokyo, au Jeu de Paume et en passant par les instituts culturels, les visiteurs ont pu assister à de nombreuses projections, vidéos, cinéma expérimental, documentaire, ou fiction, ou encore assister à des expositions ou a des concerts multimédias. Un espace de consultation Le Laboratoire a permis à chacun de voir ou revoir à la demande l'ensemble de la programmation. Le mot d’ordre pour cette manifestation : décloisonner les différents milieux de création et faire communiquer leurs publics mais aussi susciter des échanges entre artistes, réalisateurs et acteurs de la vie artistique et culturelle. Pari réussi pour les organisateurs qui se félicitent aujourd’hui de la fréquentation du public dans les multiples salles ainsi que du retentissement qu’a eu l’événement dans la presse.

Public averti conseillé
Si la vocation des Rencontres Internationales était de faire découvrir ces œuvres à un large public, les tables rondes qui ont clôturé la programmation n’ont cependant pas attiré un public non averti au milieu des arts multimédias. Destinées à développer une réflexion sur les circulations de forme et les nouveaux enjeux entre cinéma et art contemporain, il fallait être un tantinet expert en la matière pour suivre les débats. Dans la petite salle du Centre Pompidou, au programme du jeudi 29 novembre, des questions pointues ont ainsi été abordées par de nombreux responsables d'institutions et de structures émergentes d’Europe et d’outre-atlantique. Curateurs, directeurs de centre d’art ou de festivals se sont attardés sur les nouvelles problématiques et évolution des modes de diffusion vidéo et nouveaux médias, puis sur le musée comme espace fermé, espace ouvert.

« Le marketing n’est pas ce qui nous préoccupe ici »
Présentant tour à tour leur structure, tous ont voulu témoigner de la vivacité de création et de diffusion de leur propre institution: musée d’art contemporain de Vilnius, de Castille Leon, de Stockholm ou encore celui de Londres (ICA) ou de Wiels en Belgique. Finalement tous ont montré que leur véritable préoccupation se focalisait sur le public. Avec des « expositions à l’extérieur, des projections. Avec des nouveaux lieux, des nouveaux formats, cela nous permet aussi d’attirer un nouveau public » explique Grainne Humphreys, directrice du Festival du film international de Dublin. Mais c’est aussi un public qu’ils doivent faire communiquer. Pour Valentinas Klimasauskas curateur du musée de Vilnius, il s’agit de construire une « arène où le public pourrait rencontrer le public du monde entier. », tout comme l’Espagnol Agustín Pérez Rubio qui s’est attaché à expliquer que son « institution est une passerelle entre la Castille Leon et le reste du monde. Accueillant des projets nationaux, locaux mais aussi internationaux » et qu’ « il est important que les frontières soient perméables entre ces projets ». Témoignant de leur réel engagement dans l’espace public, comme médiateur entre l’art contemporain et les jeunes ou les communautés, Dirk Snauwaert, du Centre de Wiels a expliqué le « choix de travailler avec un public non spécialisé, en ouverture sur la ville. Le marketing n’est pas ce qui nous préoccupe ici » a-t-il noté. « C’est une éducation informelle que l’on transmet, où il y a peut-être plus de messages que dans les lieux de formalité ».

« Qui se fout aujourd’hui d’une vidéo d’un suédois des années 70 ? »
En revanche question droits de reproduction ou de conservation, pas facile de suivre le cheminement quand il s’agit d’œuvres qui nécessitent parfois des installations très spéciales. Le protocole à suivre fait partie intégrante du travail de l’artiste. Mais comment faire quand il ne reste aucun témoignage de celui-ci. Sans aucune réglementations internationales et cadres juridiques les intervenants se sont perdus dans les explications. Remercions Richard Julin du centre d’art de Stockholm d’être intervenu pour noter le « coté désuet et le fossé entre les curateurs et le public par rapport à la conservation des œuvres. » « Qui se fout aujourd’hui d’une vidéo d’un suédois des années 70 ? » a-t-il demandé avec ironie. « Il faut plutôt continuer à chercher des œuvres, rendre hommage à des artistes qui nous paraissent important. »

Charlotte Cambier.

Photo: Table ronde au Centre Pompidou en présence des curateurs de musée (crédit photo art-action)



Rencontres internationales Paris/Berlin/Madrid
Nouveau cinéma et art contemporain
Du 22 novembre au 1er décembre 2007
• au Centre Pompidou,
• au Jeu de Paume,
• au Palais de Tokyo,
• et sur d'autres lieux.
Pass festival : 30€
Le Pass festival donne accès aux séances au Jeu de Paume, à l'Entrepôt, au Centre Pompidou, hors séances spéciales.
La même programmation sera présentée à Madrid en avril 2008 et à Berlin en juin 2008.
Pour plus de renseignements : : http://www.art-action.org/

dimanche 16 décembre 2007

Alberto Giacometti, suivez le guide !

Reportage

Paris accueille depuis quelques semaines l’œuvre du créateur de l’homme qui marche. Deux expositions lui sont consacrées : l’une au centre Georges Pompidou, l’autre sur le site Richelieu de la Bibliothèque Nationale Française. Présentation de ces deux manifestations et retour sur quelques sculptures du maître.

Né en Suisse italienne en 1901, Alberto est le fils d’un peintre impressionniste, Giovanni Giacometti. Influencé dès son plus jeune âge par son père, il s’initie en autodidacte à la sculpture et à la peinture à l’huile. Après des études à l’école des Beaux-Arts de Genève, il quitte son pays natal pour rejoindre Paris en 1922. Il s’installera quatre ans plus tard dans son atelier de la rue Hippolyte-Maindron, qu’il n’abandonnera pas jusqu’à la fin de sa vie. Proche des milieux artistiques et littéraires, Alberto Giacometti deviendra donc parisien d’adoption. Son admiration pour la capitale se retrouve d’ailleurs dans sa dernière œuvre inachevée, intitulée Paris sans fin, recueil de lithographies publié à titre posthume. De la place Saint-Sulpice à la cathédrale Notre Dame, en passant par le jardin des plantes, cette promenade picturale prouve l’attachement de Giacometti pour la ville des Lumières.



Au cœur de l’atelier
Alors qu’une exposition lui était déjà consacrée il y a cinq ans, à l’occasion de son centenaire, l’artiste est encore à l’honneur en cette fin d’année. La programmation simultanée des deux manifestations ne se limite pas à présenter une rétrospective de sa carrière : elle nous offre une réelle plongée dans l’univers d’Alberto Giacometti. Outre la variété des œuvres, c’est surtout son mode de travail qui est disséqué. La reconstitution de son atelier au Centre Georges Pompidou (1), permet ainsi de comprendre sa démarche, grâce à toute une série d’études sur les têtes et les corps, de maquettes et d’estampes. Les photographies saisies sur son lieu de travail par Man Ray, Henri Cartier-Bresson ou Denise Colomb, font entrer le visiteur l’intimité de l’artiste.
Si tout le monde connaît plus ou moins ses sculptures comme l’homme qui marche ou la grande femme, d’autres facettes de sa vie artistiques sont ici exposées, comme sa période surréaliste, à la suite de sa rencontre avec André Breton en 1930. Les différents projets de design, de place et d’intérieurs d’appartements, coréalisés avec le photographe Marc Vaux démontrent aussi sa volonté de joindre l’utile à l’agréable. Dans le même esprit, les commandes de médailles à l’effigie d’Henri Matisse ou de Jean-Paul Sartre, de pochettes de disque (comme pour Stravinsky), ou de foulard pour la galerie Maeght, sont autant de tentatives de réaliser des objets fonctionnels à la périphérie du domaine des beaux-arts.


De Paris à Saint-Paul de Vence
En complément de l’exposition à Beaubourg, la BNF présente de son côté l’œuvre gravée d’Alberto Giacometti (2). Des lithographies et des eaux-fortes sont réunies pour la première fois dans cette exposition. Destinées à illustrer les éditons de luxe des recueils de ses amis poètes, elles étaient tirées à très faible exemplaire et sont donc méconnues du grand public. Il participera à une cinquantaine d’ouvrages, parmi lesquelles Histoire de rats de Georges Bataille (1947), La Folie Tristan de Gilbert Lély (1959), Vivantes cendres innommées de Michel Leiris (1961), Retour Amont de René Char (1965). Pour chacun d’entre eux, Giacometti a réalisé plus d’une trentaine de gravures, ce qui permet de saisir la complexité du travail de l’artiste, recherchant sans cesse la perfection dans son trait, point commun de toutes ses œuvres. Ce n’est que vers la fin de sa vie, qu’il s’essaya à la démarche inverse, comme il l’explique dans Paris sans fin : « Oh ! l’envie de faire des images de Paris un peu partout, où la vie m’amenait, m’amènerait, la seule possibilité pour cela, ce crayon lithographique, ni la peinture ni le dessin, ce crayon le seul moyen pour faire vite, l’impossibilité de revenir dessus, d’effacer, de gommer, de recommencer. ».
Enfin, on ne pouvait parler de Giacometti, sans revenir sur certaines de ses sculptures les plus connues. Visibles au quatre coins de la planète, beaucoup d’entre elles appartiennent à la collection de la fondation Maeght. Très proche de l’artiste, cet ancien galeriste à Paris a réuni plus d’une vingtaine de chef d’œuvres, exposés en extérieur dans le village de Saint-Paul de Vence. Reportage photo sur la terrasse de la fondation.

Exposition permanente - avec la permission de la Fondation Maeght Saint-Paul de Vence - copyright C. VOGT

Clément VOGT

1 : L’Atelier d’Alberto GIACOMETTI, jusqu’au 11 février 2008 au Centre Georges Pompidou. Tarif : 8 à 10 euros
2 : Alberto Giacometti, oeuvre gravé, jusqu’au 13 janvier 2008, BNF site Richelieu. Tarif : 5 à 7 euros

samedi 15 décembre 2007

Témoigner par l’art : les peintres allemands de la Première Guerre mondiale

CRITIQUE

Il y a des œuvres d’art qui font mal. Qui dérangent, qui cognent le visiteur. L’exposition Allemagne, les années noires ne peut se visiter paisiblement. Certains, après les premières pièces, sortent en se disant à haute voix « ça suffit, j’en ai assez vu ».
Car au Musée Maillol, l’art rencontre l’Histoire, il naît de l’Histoire. Otto Dix, Max Beckmann, Ludwig Meidner, … ont combattu lors de la Première Guerre mondiale, ont souffert des ravages causés par cette guerre à leur pays, l’Allemagne. Et ils ont voulu rendre compte de cette effroyable réalité avec leurs instruments de peintres.

Ces artistes témoignent, en empruntant aux styles figuratif, expressionniste et cubo-futuriste, de l’expérience qu’ils ont vécue et ressentie personnellement. L’exposition s’organise en deux parties : d’abord le traumatisme de la Guerre de 1914-1918, et ensuite l’Allemagne de la République de Weimar (1918-1933). Elle commence par la série de gravures La Guerre, réalisée en 1924 par Otto Dix. Cinquante gravures pour empêcher que ce conflit ne soit plus tard récupéré comme mythe de la mémoire guerrière allemande. Cette série comporte les éléments qui seront présents dans beaucoup d’œuvres de cette première partie : paysages explosés, horreur des blessés, folie et cohabitation permanente avec la mort. Les aquarelles de George Grosz semblent elles aussi hantées par ces visions atroces de combats et de corps mutilés. Le visiteur découvre ensuite une communication plus singulière, avec les nombreuses cartes postales qu’Otto Dix envoie vers l’arrière et qui représentent son quotidien de soldat.
A côté, Max Beckmann, Jakob Steinhardt et Ludwig Meidner représentent une société allemande tourmentée par la guerre, corrompue par la violence et la mort. Les images sont déformées, les traits tordus. Les champs de bataille jonchés de morts de Grosz et les foules de réfugiés de Meidner s’entremêlent pour témoigner de la rupture que marque pour le pays cette terrifiante destruction.


A l’étage supérieur, au cours des quinze ans qui suivent le conflit, les artistes allemands dénoncent la laideur de la société ravagée par la guerre. Le traumatisme des 800 000 invalides de guerre est employé par Erich Heckel comme allégorie de la société allemande. Les mutilés font partie intégrante du paysage urbain, tout comme les bourgeois enrichis, au luxe ostentatoire. Ces derniers sont représentés par George Grosz et Otto Dix dans des scènes d’orgies, auprès de militaires haineux et de prostituées grotesques et monstrueuses. Les deux artistes développent aussi le thème des crimes sexuels, pathologie héritée de la guerre et qui pousse des sadiques à assassiner des prostituées. C’est finalement la « nuit », hideuse et mortifère, qui se retrouve dans le nom de nombreuses œuvres.
L’Allemagne traumatisée connaît une agitation politique constante, entre meetings et tentatives de coups d’état. Conrad Felixmüller peint le chef de file d’un des mouvements révolutionnaires, Otto Rühle, sous les traits monstrueux d’un Agitateur hypnotisant les foules. Max Beckmann illustre, à travers sa série Les désenchantés, le désarroi de cette société, que la propagande glorifiant Hitler et la Première Guerre mondiale préparent à un nouveau conflit. Le visiteur remarque une affiche du parti national-socialiste proclamant : « Deux millions de morts ! En vain ? Jamais ! Soldats du front ! Adolf Hitler vous montre la voie ! ». Un slogan résumant l’état d’esprit des Allemands qui ont porté Hitler au pouvoir. Et l’échec des témoignages de Dix, Beckmann et Grosz auprès de leurs contemporains.

Claire Mittau

Allemagne, les années noires
Jusqu’au 4 février 2008.
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 11h à 18h.

Musée Maillol – Fondation Dina Vierny
61 rue de Grenelle
75007 Paris
http://www.museemaillol.com/

mardi 20 novembre 2007

Berlin à Paris. La conquête parisienne du design allemand.




Critique



Le 20ème anniversaire de l'accord de coopération entre Paris et Berlin permet aujourd'hui aux deux villes européennes d'organiser une multitude de projets culturels. Ainsi depuis l'été à cet automne et concomitamment aux nombreux concerts, cet échange culturel est aussi l'occasion d'organiser deux expositions inédites et uniques. Au "Märkische Museum" à Berlin, l'exposition "Design Reference Paris" présente un panorama du design parisien jusqu'au 4 novembre 2007. En écho à cette exposition, "Le Berlin des créateurs" est organisé à Paris pour donner une vue globale et assez représentative de la scène du design berlinois et des tendances actuelles. Le Berlin des créateurs met donc en scène des artistes aussi inconnus que connus comme Barbara Schmidt. Réussira-t-il le pari?
Cette exposition montre l'environnement particulier des créateurs berlinois aussi ingénieux que doués; un contexte en perpétuel bouleversement et mouvement. Ces artistes ignorent souvent les frontières entre peintres, designers scientifiques, graphistes, ingénieurs... Il existe donc un cloisonnement pour le moins secondaire et assez ténu entre créateurs de modes et designers d'objet et l'exposition reste très marquée par l'absence de frontières entre artistes. Ceci explique sans doute la présence dans la même exposition d' oeuvres de designers industriels, de mode ou de peintres. La fascination exercée par la scène du design berlinois est fortement liée à l'esprit d'initiative de ses acteurs. Ils osent s'affranchir des règles et des conventions usuelles pour innover.
En matière de mode, deux artistes impressionnent par leur créativité et leur inventivité toute grotesques et loufoques.
Ainsi les créations d'Elena Kikina, présentées au public, se distinguent par une méthode de travail inhabituelle parmi les créateurs de mode: la forme d'un vêtement n'est pas l'objectif premier de cette créatrice ingénieuse et rebelle. Mais le résultat d'un processus d'optimisation de paramètres technologiques, économiques, écologiques, fonctionnels et éthiques, ainsi que des critères esthétiques. L'objectif inavoué mais toutefois assumé à travers ses vêtements, est l'individualisation de vêtements produits en série. Elena Kikina a ainsi développé son propre langage formel qui ne cherche pas à représenter le corps tel que l'entendent les coupes traditionnelles. Elle crée plutôt des formes abstraites, souvent basées sur la grille orthogonale du textile. Les variations de la distance voulue par la créatrice entre le corps et le tissu provoquent ainsi un jeu original et séduisant entre la forme et la surface.
Et suivant la même direction, la création Karen Scholz et Joan Tarrago Pamplena donne à voir à un paradoxe aussi saisissant que surprenant: l'absence de frontière. Les deux créateurs vivent entre Barcelone, Paris et Berlin et travaillent dans l'interdisciplinarité entre la peinture et la mode. Dans leur travail pictural, la peinture se libère de son support et investit l'espace. Ainsi, les monstres et héros des illustrations quittent leurs dimensions et passent par le stade d'impressions à reliefs et de broderies pour finalement devenir des monstres à taille humaine, qui enveloppent le corps. Le dessin devient ainsi partie prenante de la coupe. Il devient vêtement, prend corps, et à leur tour, les silhouettes vont servir de toile au peintre. Le blanc, la surface sur laquelle se projette alors le dessin, joue un rôle majeur dans les pièces de ces créateurs. Les dessins de ces deux créateurs transforment les vêtements standard en des pièces uniques, qui font corps avec celui qui les porte et deviennent ainsi un chapitre de son histoire.
Le design industriel ne manque pas non plus de surprendre par son innovation. Läufer+ Keichel développe des objets avec la volonté d'établir un lien durable entre l'homme et l'objet et de donner un visage humain au quotidien. Le lien entre les qualités utilitaires et sensuelles de l'objet est à la source du processus d'une valeur culturelle qui les préserve de l'éphémérité des modes et de la culture du gâchis. Les designers Läufer+ Keichel conçoivent les objets comme des instruments destinés à l'accomplissement de faits et gestes du quotidien, tout ceci étant porteurs de messages symbolique. C'est ainsi qu'ils inventent des biens utilitaires novateurs, dont l'esthétique est en adéquation avec les valeurs humaines de notre "société".
Le Berlin des créateurs cherche plutôt une confrontation avec les attentes du public afin d'imaginer, ensemble les voies possibles d'un futur dans la création.

Lissa Johannès


Informations pratiques

Exposition sur le design Berlinois, 3 oct au 16 déc 2007.
Lieu d'exposition: VIA (Valorisation de l'innovation dans l'Ameublement), 33, avenue Daumesnil, 75012. Paris.
M°Gare de Lyon (ligne 14) ou Ledru Rollin (ligne 1)
Horaires d'ouverture: Exposition gratuite ouverte tous les jours: lundi à vendredi 10h à 13H/ 14h à 18h
Samedi à dimanche: 13h à 18h.
Entrée gratuite
Tél: 01.46.28.11.11.
www.via.fr

Le nu dénudé! Histoire de la photographie des corps.





Critique


La photographie et l'érotisme constituent deux domaines artistiques liés par une longue histoire qui continue de soulever des controverses. Nombre d'artistes se sont évertués depuis des années à déchiffrer les codes obscurs, silencieux et énigmatiques de la photographie de nu. Ceci a conduit beaucoup de photographes à consacrer des ouvrages sur cet aspect particulier de l'art: le Nu.
Livres Nus d'Alessandro Berolotti tente également de répondre à cette énigme étourdissante. Né en 1960 et metteur en scène pour la RAI-Televisione Italiana depuis 25 ans, Alessandro Bertolotti est un passionné de photographie qui partage sa vision du nu dans la la mise en scène des corps de femmes nus. "Le toucher, le désir, la chaleur du corps... sont des valeurs sexuelles, mais non esthétiques. Or, ces deux domaines, radicalement séparés par la pensée, sont intimement liés dans la réalité. Paradoxe qui est présent dans tous les "nus" de l'Histoire". Paradoxe que l'on découvre d'ailleurs à travers les 180 livres collectionnés par Alessandro Bertolotti. En douze chapitres - Académies- Naturisme -Pictoralisme - Avant-gardes européennes - Glamour -République de Weimar - Nazisme - Après-guerre - Le livre japonais- Révolution sexuelle - Gay Sunshine et Récits - l'auteur passe en revue le slivres et photographes qui ont marqué ce genre depuis "l'invention de la photographie à nos jours". On découvre de façon "chronothémathique" les photographes les plus prestigieux et vénérés: Man Ray, Bill Brandt, David Hamilton, Araki, Robert Mapplethorpe, Pierre Molinier, Germain Krull, Hans Bellmer, Bettina Rehms...
Si dans les années 1970, les photographes utilisent le livre pour raconter une histoire, où il est surtout question des "sentiments et d'introspection psychologique", l'auteur italien nous fait découvrir de nombreux photographes oubliés voire inconnus qui portent de nouvelles identités, marginales et anticonformistes appelant à la révolte contre un système traditionnel.
Alessandro Bertolotti collectionne alors les livres érotiques et des livres de nus depuis plus d'une trentaine d'années. Sa riche collection est conservée à la Bibliothèque Nationale de France et est en grande partie exposée actuellement à la Maison Européenne de la Photographie jusqu'au 6 janvier 2008. Rendant hommage au images d'archives, cette publication novatrice et tapageuse s'adresse aux passionnés d'édition ainsi qu'aux graphistes.



Informations pratiques
Livres de Nus, éditions La Martinière/ MEP, 49 euros, 280, 25/28cm
Maison Européenne de la Photographie 10 oct 07 au 6 janv 08
5/7 Rue de Fourcy. 75004 Paris
Tél: 01.44.78.75.00
www.mep-fr.org
Ouverture du mercredi au dimanche inclus de 11h à 19h45.
Fermeture lundi, mardi et jours fériés.

mardi 23 octobre 2007

La Textbox, le caisson de Bas Böttcher

Reportage
Samedi 21 et dimanche 22 octobre, le Centre Georges Pompidou était le théâtre d'une étrange manifestation. Dans le hall d'entrée,le public se massait devant une boîte en plexiglas. A l'intérieur, un micro et deux écrans constituaient le seul décor. Quelqu'un arriva, s'enferma dans ce cube, puis invita les gens à prendre l'un des nombreux casques à leur disposition. Sans ces précieux outils, impossible d'entendre quoi que ce soit, la boîte étant totalement hermétique. De loin, on ne voyait donc qu'un homme gesticuler devant un micro, devant un auditoire relié par la tête à son interlocuteur. Impossible à première vue, pour quiconque arrivant sur place, de comprendre qu'une représentation de slam était en train d'avoir lieu. Pourtant, Bastian Böttcher était bel et bien en train de présenter ses textes dans sa bien nommée Textbox.

Bas Böttcher et sa Textbox
« Le plus petit média de masse au monde »

Ce berlinois, ancien étudiant à l'université du Bauhaus, est un artiste aux multiples facettes. Les moyens modernes de communication sont le sujet récurrent de l'oeuvre de ce chanteur, rappeur, slameur, poète et écrivain. S'intéressant de plus près au problème de la transmission de ses textes au public, il est parti d'un constat : « De même que le poète s'intéresse à tout ce qui est constitutif de la poésie, (le rythme, la disposition des strophes, la métrique), il faut aussi s'intéresser aux médias qui la transportent, à la façon dont elle va être diffusée. Aujourd'hui, le "job" du poète, c'est que la poésie atteigne celui ou celle à qui elle est destinée ». Habitué des grands festivals, où le brouhaha général prend le pas sur les lectures, Bas Böttcher a donc fabriqué son propre média, « une sorte de maison d'édition », où il peut déclamer sa prose, dans les environnement les moins propices. Le bruit qui régnait ce week-end à Beaubourg en faisait donc l'endroit idéal pour installer la fameuse boîte à texte.

Bas Böttcher à la foire du livre de Leipzig en 2006



« Être plus proche du public »

Outre Bas, d'autres slameurs étaient invités comme le français D' de Kabal, pour présenter leurs compositions. Poésie moderne, la force du slam réside avant tout dans le poids des mots, leur rythmique et leurs sonorités. La Textbox amplifie ce phénomène. « Isolé » de l'extérieur grâce aux casques, on peut alors totalement se concentrer sur la prose de ces poètes urbains. Afin d'être un média universel, la boîte est dotée de deux écrans, passant en simultané la traduction des textes. C'est alors au public de choisir : soit il choisit de lire, soit il ferme les yeux, pour mieux saisir les assonances et les rimes. Cela permet, selon Böttcher « que l'essence de la poésie, les sonorités les plus fines, puissent atteindre les auditeurs ». Certains voient pourtant dans la vitre séparant l'orateur de son auditoire, une marque de rupture. D' n'est pas de cet avis ; pour lui « la vitre protège, mais ne coupe pas de celui qui performe ». Aussi enthousiaste que le public après ces deux jours enfermé dans la boîte, il résume parfaitement le concept de la Texbtox : « Ce que je trouve fabuleux, c'est que l'écoute, les gens vont la chercher [...] de la même façon que quand ils en ont assez, ou que ça ne leur plaît pas, ils se débarrassent du casque aussi vite qu'ils sont venus ! ».

Clément VOGT

Pour plus d'informations sur Bas Böttcher :
http://www.basboettcher.de/
Sur la Textbox :
http://www.textbox.biz/


Crédits photos :
Bas Böttcher et sa Textbox - copyright C. VOGT
Bas Böttcher à la foire du livre de Leipzig en 2006 - copyright :
www.timobrunke.de

lundi 22 octobre 2007

Un festival en trois temps, pour des images à l’infini

REPORTAGE
Du 12 au 21 octobre La Ferme du Buisson, Scène nationale de Marne-la-Vallée, accueillait pour sa sixième édition le festival Temps d’images plus que jamais ouvert sur la création issue des quatre coins de l’Europe et d’ailleurs. Récit d’un parcours choisi en trois temps.

16h30, première étape du parcours: l'exposition.
Bien installé dans sa chaise longue, sirotant un jus d’orange tout en lisant son livre, le spectateur de Temps d’images, a pu ce dimanche goûter avec délectation aux derniers rayons de soleil malgré la fraîcheur automnale. Entre deux représentations il aurait été bête de ne pas en profiter. Le pass’ festival en poche, pourquoi ne pas s’attarder aussi sur les installations du Centre d’art de La Ferme et son exposition. Installations vidéo, numériques et interactives, les étudiants du Fresnoy (Studio National des Arts Contemporains), artistes de demain redoublent d’imagination pour surprendre le spectateur dans le domaine des arts visuels. Leur choix quant aux œuvres exposées n’est pas sans illustrer la dimension européenne du festival. Artistes français, néerlandais, anglais, biélorusse, l’image traverse les frontières pour se réunir dans un même lieu. La première salle de l’exposition, la Galerie des portraits flamands, déstabilise. Rien d’impressionnant aux premiers abords. Des portraits comme tout photographe pourrait en faire, mais parce que l’artiste Eleonor Saintagnan n’est pas comme les autres, elle a choisi de faire poser cette série d’habitants rencontrés à Roubaix pendant cinq minutes sans bouger. L’effet est immédiat. Pour passer d’une salle à l’autre, Dmitri Makhomet et son installation numérique Rue en rue permet au spectateur de « découvrir » les poésies de l’écrivain russe Vladimir Maïakovski. Pas si évident en effet puisque les phrases d’un poème sont créées en image 3D et projetées sur le sol, « ressemblant à un espace de vagues, de ruines de poésie, de révolution et d’amour ».

18h30, deuxième étape du parcours : « de la guitare pour en découdre avec des images qui n’en sont peut-être pas ».
Une annonce générale retentie dans le hall du théâtre pour signaler aux festivaliers que l’intervention musicale de Paulo Furtado va commencer. Au studio de La Ferme, chacun est alors invité à prendre place autour de l’artiste. Officiant sous le nom de « The Legendary Tiger Man », le Portugais Paulo Furtado, guitariste et membre par ailleurs du groupe Wraygun surprend lui aussi son public. On ne comprend pas tout de suite, pourquoi le musicien passe d’un son à un autre, pourquoi cet écran reste blanc et puis c’est l’explosion. Chaque son enregistré s’assemble pour donner une musique dont la puissance retentie sur des images suivant le rythme. L’effet est saisissant mais malheureusement trop court. Quarante cinq minutes n’auront pas suffi pour rassasier les amateurs de musique iconoclaste.

20h30, troisième et dernière étape du parcours : « Hamlet à l’heure des tabloïds et de la peopolisation à outrance ».
Kiss of Death, la pièce d’Isabelle Soupart chorégraphe belge est un mélange de théâtre, danse, musique et vidéo. Lunettes noires des comédiens, et ralentis des mouvements, ne sont pas sans rappeler un certain Matrix. Répétitions du discours, mélange des pistes, dédoublement de l’espace et des corps, produisent le même effet qu’un Mulluland Drive de David Lynch. Le public est parfois un peu perdu dans cet univers étrange où les vestiges de la pièce shakespearienne se mêlent à une réflexion ultramoderne sur les médias, l’utilisation de l’image et du scoop dont s’abreuvent les paparazzi. « No pictures ! No pictures ! », scande la comédienne. L’instruction sera la même pour les spectateurs pendant la pièce. Un paradoxe pour cette représentation dont le support est avant tout l’image et la vidéo. Tant d’images auront eu raison de nous. Une overdose dont les habitués du festival ne se lassent pas, et pour laquelle ils nous donnent déjà rendez-vous l’année prochaine.


Charlotte Cambier.


Photo 1: La Ferme du Buisson (Charlotte Cambier)
Photo 2: Paulo Furtado (Charlotte Cambier)
Photo 3: Les comédiens de Kiss of Death (Charlotte Cambier)


Pour tout renseignements sur La Ferme du Buisson et sa programmation :
Standard/information au 01 64 62 77 00
Programme cinéma au 01 60 17 92 07
http://www.lafermedubuisson.com/
La Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée
Allée de la Ferme – Noisiel/ 77448 Marne-la-Vallée cedex 2
A 20 minutes de Paris Nation
En RER : RER A, direction Chessy Marne-la-Vallée, arrêt Noisiel, puis fléchage (5 min à pied).

L’imagination optique de Klaus Pinter

Critique


"Corps en rotation" , Klaus Pinter
Pneumatic sculpture and motor.


Longtemps considérée comme une place forte de la culture européenne et dont les artistes ont souvent perpétué cette vieille tradition relevant un peu du poncif, l’Autriche n’en continue pas moins d’étonner sur la scène européenne par la production d’œuvres quelques fois loufoques et fantasmagoriques d’artistes comme Klaus Pinter.
Le forum culturel autrichien, fer de lance de la promotion de la vie culturelle artistique à Paris, met en scène depuis le début du mois de septembre, les œuvres du célèbre sculpteur, représentées déjà au Panthéon par deux énormes sphères roulées, l’une suspendue et l’autre au sol.



"Rebonds Panthéon", Klaus Pinter
Mixed media on paper

Cette réalisation artistique a marqué les esprits et suscité une énorme admiration pour cet artiste autrichien très inspiré et avant-gardiste. Dans tous ses travaux, Klaus Pinter donne à voir dans l’image immobile du monde, des déplacements possibles et « ceux peut-être à venir ». Ainsi dans « Mind Expander » récemment exposé au Centre Pompidou, le sculpteur autrichien concevait déjà son projet visionnaire de la constellation d’objets « pneumatiques, éphémères, transformables, transparents qui participaient » alors « à la réflexion des années 1970 où tout était remis en question ». Durant cette décennie, Klaus Pinter s’oriente vers les espaces à forte connotation historique et culturelle d’où il convoque les strates du temps, les imbriquant, les superposant, mélangeant les genres pour en faire son œuvre, laissant ainsi une empreinte sur ses travaux.
Toujours à la recherche de l’inédit et de l’inouï, Klaus Pinter s’investit dans des sculptures ingénieuses où il décrit des oeuvres à formes géométriques aussi imposantes que surprenantes. Aujourd’hui, les œuvres réalisées par l’artiste autrichien, recèlent, dans leur exposition et leur mise en scène une collusion avec l’inachevé. Aéronefs en suspension, soucoupe lumineuse retenue dans l’espace par des fils, évoquent un calme et un statisme apparents qui entraînent l’imagination vers d’autres horizons. Alors le voyage va-t-il se faire ? Ce qui frappe en réalité dans cette exposition, c'est l'alliance qui s'opère entre objet et espace qui emporte le visiteur dans un univers virtuel si loin et si proche.
La galerie Pièce Unique s’associe avec le Forum Culturel Autrichien pour faire découvrir au grand public Klaus Pinter sur le thème « Corps en rotation ». Cette œuvre exposée est constituée de « cinq grands disques de dimensions différentes qui semblent figés dans leur mouvement ». Toute cette construction apparente de « corps tournoyants » et transparents s’ancrant dans un axe, semble surnager librement dans l’espace. Nous voici sans doute invités au voyage optique, concept tant développé dans les travaux de Klaus Pinter.

Johannès Lissa



Klaus Pinter est né en Autriche en 1940. Il vit et travaille à Paris et à Vienne.

Exposition « Corps en rotation » à la Galerie Pièce Unique du 20 septembre au 17 novembre 2007.
Entrée libre : du mardi au vendredi 11h à 13h et de 14h30 à 19h. Le samedi 11h à 13h et 14h30 à 17h.
Galerie Pièce Unique,
4 rue Jacques Collot, 75006, Paris. Tél : 0143265458
26/28 rue Mazarine, 75006, Paris. Tél : 0143268593
Métro Odéon ou Saint Germain-des-Prés.

Une plongée dans l’univers de l’artiste suisse Ugo Rondinone

REPORTAGE
Le Palais de Tokyo laisse en ce moment carte blanche à l’artiste Ugo Rondinone, qui y imagine une vaste création intitulée The Third Mind. Cet artiste contemporain de renommé internationale, travaillant sous formes de vidéos, de peintures, de photographies et d’installations, se fait ici commissaire d’exposition. Car ce qu’il présente au Palais de Tokyo, ce n’est pas son œuvre à proprement parler, mais une exposition regroupant des œuvres de 31 artistes qui l’influencent. Décrite comme « une sorte de cartographie du cerveau de l’artiste, de ses désirs et de ses influences », The Third Mind offre une déambulation parmi les œuvres d’artistes différents, mais confrontées les unes aux autres selon la vision d’Ugo Rondinone.
La diversité des créations présentées peut dérouter le visiteur non averti. Beaucoup d’entre elles évoquent l’organicité, plus ou moins proche du corps humain. Mais d’autres, telle la série de salles d’attentes vides du Suisse Jean-Frédéric Schnyder, sont exemptes de toute vie humaine. Il est en tous cas remarquable que des œuvres de formes si diverses, créées par des artistes d’horizons variés, soient ici regroupées et confrontées en raison de leur appartenance commune au « cerveau » d’Ugo Rondinone. L’exposition rassemble ainsi les œuvres d’une douzaine d’artistes européens.



Le visiteur est accueilli par l’installation Car Park, de la Londonienne Sarah Lucas, qui met en scène une voiture vandalisée et des séries de reproductions de parking déserté couvrant le mur en arrière-plan. Il découvre les sculptures organiques de l’Autrichien Bruno Gironcoli, et l’installation du Suisse Urs Fischer, qui a transporté son studio londonien pour en faire une œuvre sur le processus de création. Le plafond d’une des salles est occupé par l’installation lumineuse When Now is Night (web) de Martin Boyce, sculpteur et designer écossais.
The Third Mind présente également d’impressionnantes sculptures anthropomorphes, d’effets très différents. Celles du Suisse Hans Josephsohn sont des amas de matière évoquant des personnages alanguis, tandis que la Britannique Rebecca Warren figure, à travers des masses d’argile informes, une série de femmes déstructurées, agressives et grotesques.



La démarche d’Ugo Rondinone est de constituer, à travers ces confrontations d’œuvres d’autres artistes, une œuvre à part entière. C’est ce que signifie le titre de l’exposition, The Third Mind, qui rend hommage au livre éponyme de William S. Burroughs, écrivain de la Beat Generation, et de l’artiste Brion Gysin. Ce livre a été conçu selon la méthode du cut-up, consistant à couper et réassembler divers fragments de phrases pour leur donner un sens totalement nouveau et inattendu. Ugo Rondinone inscrit cette exposition dans la même démarche, la rencontre entre l’événement imaginé et les œuvres rassemblées devant révéler une œuvre nouvelle, comme créée par un troisième artiste.


The Third Mind, carte blanche à Ugo Rondinone
Du 27 septembre 2007 au 3 janvier 2008 au Palais de Tokyo
13 avenue du Président Wilson, 75016 Paris.
www.palaisdetokyo.com
Ouvert de midi à minuit tous les jours sauf le lundi.


Claire Mittau

mardi 16 octobre 2007

Frontières et migrations au cœur des productions culturelles à Paris

REPORTAGE
Si la Suisse ne fait pas partie de l’Union européenne c’est pourtant au Centre Culturel Suisse de Paris qu’a lieu depuis début septembre tout un programme autour de L’Europe en devenir. Exposition, théâtre, conférences, cinéma, à travers ces supports c’est dans la sphère citoyenne et culturelle qu’est analysée l’Europe et sa construction. La question des frontières et des migrations, plus présente que jamais sur la scène européenne, ne pouvait être qu’abordée au cours de cette manifestation qui se terminera fin octobre. Pour preuve, le poster créé pour l’exposition est consacré à l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, FRONTEX. Son auteur, Peter Spillmann, un artiste Suisse comme la plupart des intervenants liés à ce projet, est aussi associé à l’exposition temporaire du centre culturel, sur le projet MigMap. Celui-ci formule visuellement où et comment la production de connaissance est en train de prendre place dans le champ de la migration. Quatre cartes interactives fournissent au spectateur un nombre d’information sur les acteurs, débats, processus et événements, qui établissent les actuelles politiques migratoires européennes.

Un projet, The Maghreb Connection
Dimanche, dans la salle de projection du centre culturel, c’est devant un public peu nombreux mais averti, qu’un autre artiste s’est exprimé sur ce qui constitue aujourd’hui un des problèmes majeurs de l’Union européenne. Ne pouvant dissimuler une réelle timidité, Raphaël Cuomo jeune réalisateur suisse s’est excusé de l’absence de sa collègue Maria Iorio qui devait être elle aussi présente pour la projection de leur film Sudeuropa. Faisant parti d’un projet bien plus vaste commencé en 2005, The Maghreb Connection, présenté quelques jours plus tôt par son investigatrice Ursula Biemann, ce film s’inscrit dans le souci de « couvrir une dimension transnationale » explique Raphaël Cuomo. En effet, The Maghreb Connection est un projet international d’art et de recherche qui s’intéresse aux systèmes et modalités de mouvements migratoires concernant le Maghreb et l’espace méditerranéen. L’objectif est de montrer la complexité grandissante de la mobilité en Afrique du Nord en relation avec le développement de l’Union Européenne.


Lampedusa, des stars aux clandestins
Le film, Sudeuropa, a été réalisé à Lampedusa. Île italienne plus proche de l’Afrique que des côtes européennes, son tourisme qui s’y développe dans les années 1970 en fait le lieu fréquenté par les stars du showbiz et de la télévision italienne. Depuis 1977 et les accords de Schengen, Lampedusa est aujourd’hui associé aux clandestins venant des côtes libyennes et tunisiennes. « Une forte présence militaire et des centres de détention caractérisent cette zone qui est aujourd’hui largement sous contrôle. Et il n’y a plus de bateau qui ne soit intercepté » explique Raphaël Cuomo à son public.

Une approche singulière
Dans la salle, une fois les lumières éteintes, les images de falaises filmées du ciel apparaissent. Paysages magnifiques, vacanciers au bord de l’eau, une voix féminine italienne sort alors le spectateur de cette rêverie pour l’amener vers d’autres réalités, celle des « clandestinis ». Les images tranchent avec la réalité des faits évoqués, pas un clandestin n’est montré tout au long des trente-huit minutes que constituent cette vidéo-essai. Un choix qui selon l’auteur cherche à illustrer « l’invisibilité qui fait aussi l’objet d’enjeu en vue de préserver les intérêts de l’économie du tourisme. » Pour les deux réalisateurs, il s’agissait de « montrer que les aspects concrets de la vie de l’île sont une matérialisation directe des politiques d’immigration. Les frontières intérieures en Europe tendent à disparaître mais les frontières extérieures se renforcent. » Or « le tracé de la frontière ne passe pas par Lampedusa. Donc c’est une frontière qui complique encore cette frontière extérieure. »

Journaliste à la recherche d’une histoire
Le paradoxe qu’ils ont ainsi voulu illustrer est clair : d’un côté économie touristique et de l’autre enfer de l’immigration montré par les médias. « Cette imagerie qu’ils véhiculent était aussi le point de départ de ce travail » explique Raphaël Cuomo. Une vision des migrants sous contrôle qui sont en quelques sortes mis en scène par le dispositif policier et dont les journalistes s’abreuve. Retour au film : « J’ai besoin de deux belles histoires avant de rentrer en Allemagne, connais-tu des clandestins ici ? ». La voix off n’est pas celle du journaliste allemand faisant cette demande mais celle d’Abdel Ahmid qui raconte, l’autre visage inconnu du film. Raphaël Cuomo nous explique alors qu’il travaille pendant l’hiver à Lampedusa et retourne en Tunisie quand on le met au chômage forcé lors des périodes non touristiques. De cette collaboration est née une amitié et un projet futur, cette fois-ci sur les côtes tunisiennes nous explique le jeune réalisateur. L’immigration n’a donc pas fini de faire parler d’elle. Et si au Centre Culturel Suisse ce dimanche, elle fut surprenante et artistique dans ce court-métrage, n’oublions pas qu’elle est aussi un sujet bien politique.




L’Europe en devenir (Partie 1) du 9 septembre au 28 octobre :
Exposition principale qui présente des réflexions sur l’Europe
Exposition Les plus beaux livres suisses 2006 (bibliothèque), du 27 septembre- 30 décembre.
Table ronde : Jeudi 18 octobre Être et avoir – Qu’est-ce que l’expérience ? Où sont les lieux de nos pensées ? (18H), Littératures européennes : littératures nationales ou transnationales ? (20H) ;
Jeudi 25 octobre L’oubli - Faut-il des monuments ? Comment transmettre des expériences ? (18H)
Conférence : Jeudi 25 octobre, 20H, Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) – une institution onusienne pour l’Europe par Stefan Trechsel, juge au TPIY (20h).
Cinéma : Dimanche 21 octobre, 18H, Das Fräulein (Demoiselle) (2006, 81’, VOSTF) d’Andréa Štaka ;
Dimanche 28 Octobre, 18H, La liste de Carla (2006, 35mm, 95’) de Marcel Schupbach.

Centre Culturel Suisse
38, rue des Francs-Bourgeois
75003 Paris
Métro : St-Paul ou Rambuteau
http://www.ccsparis.com/

Charlotte Cambier.


Photo 1: Exposition principale L'Europe en devenir (Charlotte Cambier)
Photo 2: Raphaël Cuomo, réalisateur du film Sudeuropa (Charlotte Cambier)

lundi 15 octobre 2007

De Tokio Hotel à Fass Binder : sprechen Sie deutsch in Paris ?

Le nouvel Institut Goethe de Paris - Photo & copyright Jean-Marie Monthiers


L’engouement des jeunes adolescents français pour le groupe allemand Tokio Hotel, a provoqué un net regain des inscriptions en cours d’allemand dans les collèges de l’hexagone. Alors que l’institut Goethe vient de fêter sa réouverture la semaine dernière, quels sont les moyens mis en œuvre pour promouvoir la culture germanique dans la capitale ?
Le 4 octobre 2007, après plusieurs mois de travaux, l’institut Goethe à réouvert ses portes dans la capitale française. Présent dans plus de 80 pays, avec plus de 129 établissements, c’est le premier acteur de la vie culturelle allemande à l’étranger. A Paris, ses locaux sont situés 17 rue d’Iéna et au 31 rue de Condé. Ses missions sont multiples. Tout d’abord, permettre l’apprentissage de la langue dans les meilleures conditions. Salles de classes et de conférences remises à neuves, bibliothèque et salle de projection high-tech, tous les éléments sont réunis pour apprivoiser la langue de… Goethe !
Ensuite, et c’est ce qui nous intéressera aujourd’hui, l’institut se doit d’être la vitrine de la culture allemande : musique, danse, cinéma, arts plastiques, littérature… Ecouter le dernier dj berlinois à la mode, revoir les chefs d’œuvres de grands cinéastes, ou participer à une conférence avec Gunther Grass est maintenant possible, grâce à la grande diversité du programme culturel mis à la disposition du public parisien.
Fort du succès des derniers longs métrages d’outre Rhin dans l’hexagone (« La vie des autres » a attiré cette année plus de 600 000 spectateurs), la production cinématographique est à l’honneur en 2007. Outre le « 12ème festival du film allemand » (voir par ailleurs), l’institut organise dans le cadre des « samedis du cinéma allemand » des projections à thème. En haut de l’affiche ces prochains mois, plusieurs réalisatrices de renom se succèderont pour présenter ou représenter leurs films, devenus des classiques de l’autre côté de la frontière. Profitant aussi de la programmation au Grand Rex de Berlin-Alexanderplatz, une exposition documentaire est dédiée à Fassbinder. Les affiches de ses films et les commentaires de grands réalisateurs sur son œuvre sont ainsi juxtaposés, permettant de mieux comprendre l’influence qu’il légua à ses contemporains.
Les manifestations musicales ne sont bien sûr pas en reste. Chaque année, la tournée « deutschminimal » présente les meilleurs artistes de la scène pop électronique allemande, dans les capitales européennes. N’ayant pas encore les dates de la prochaine édition, nous ne pouvons que vous conseillez d’aller jeter un œil (une oreille !) au « festival music-allemand n° 7 », qui aura lieu le samedi 27 octobre. Du punk rock des Goldenen Zitronen de Hambourg au hip-hop électronique de Jahcoozi , il y en aura pour tous les goûts. Lors de son discours d’inauguration, Mme Limbach, présidente des Goethe-Institut, avait demandé que l’antenne parisienne devienne « un lieu central de rencontre entre la culture française et la culture allemande ». Parions qu’avec une programmation aussi éclectique, son souhait se réalise.



Les samedis du cinéma allemand. Cinéma l’Arlequin. Prochaines projections : samedi 27 octobre et 24 novembre (entrée 6 euros).
Fassbinder 1945 – 1982, exposition documentaire du 2 octobre au 15 novembre, Goethe-Institut, 17 avenue d’Iéna, 75016 Paris (entrée libre).
« Festival music-allemand n° 7 », le 27 octobre à la Bellevilloise, 19-21 rue Boyer, Paris 75020 (15 euros).

Clément VOGT @ le Paris culturel de l'Europe.

Ririez-vous d’Hitler ?

DECRYPTAGE
Le 12e Festival du cinéma allemand de Paris donne l’occasion de découvrir en avant-première Mon Führer : la vérité vraiment la plus véritable à propos d’Adolf Hitler. Lors de sa sortie en Allemagne, en janvier dernier, cette comédie avait provoqué une polémique qui s’était étendue au reste de l’Europe en soulevant la question : peut-on rire des Nazis ? Le réalisateur Dani Levy est accusé, à travers ce qu’il voulait être une comédie subversive, d’humaniser à l’excès le dictateur. L’histoire se déroule en décembre 1944, peu avant l’effondrement du régime. Hitler a perdu toute capacité à enflammer les foules par ses discours, et le chef de la propagande Goebbels a l’idée de le faire « coacher » par un professeur de théâtre juif. Celui-ci est alors sorti de Sachsenhausen, et va s’employer à ridiculiser le Führer.

La polémique autour du film est lancée par celui-là même qui interprète Hitler, l’acteur Helge Schneider. Il déclare au journal suisse Sonntagsblick qu’il n’aime pas le film et ne le trouve pas drôle. L’association entre humour et nazisme pique ensuite l’intérêt de la presse européenne, qui se demande alors si on peut rire de tout.
L’hebdomadaire allemand Die Zeit dénonce une comédie psychologisante et humanisante, recourant à l’idée d’une enfance maltraitée et solitaire pour présenter Hitler comme un cas psychiatrique. Cette description d’un dictateur impuissant et pathétique laisse au journal genevois Le Temps un malaise persistant, tandis le quotidien italien La Stampa estime que : « cela se voulait un film drôle, ce n’est qu’un film irritant ». Seul le Journal du Dimanche, dans un article paru cette semaine à l’occasion du Festival du cinéma allemand, se laisse séduire et va jusqu’à déclarer qu’il y a « du Lubitsch, du Chaplin et du Benigni dans ce film férocement satirique, où le ton entre rires et larmes fonctionne à merveille ». Mais la presse européenne souligne unanimement que Chaplin a réussi à faire rire d’Hitler avec bien plus de justesse.

Le mieux reste sûrement de vous faire votre propre opinion sur ce film et la polémique qu’il provoque en Europe. En attendant une probable sortie dans les salles françaises, le Festival du cinéma allemand de Paris programme Mon Führer les 14, 15 et 16 octobre prochains.


La 12e édition du Festival du cinéma allemand propose non seulement des films en avant-première, mais aussi des courts métrages et une programmation jeunesse. Plusieurs documentaires reflétant l’Allemagne d’aujourd’hui et sélectionnés par le Goethe-Institut sont également projetés. Le film De l’autre côté, de Fatih Akin, prix du meilleur scénario au dernier Festival de Cannes, clôture cette programmation.
Du 10 au 16 octobre au cinéma L’Arlequin à Paris (6e arrondissement).


Claire Mittau

dimanche 14 octobre 2007

L'automne des fleurs suédois. Carl von Linné réhabilité à Paris.

Magnolia Stellota (Helen Schmitz)

Critique


Helen Schmitz








Pour une première, c’est un coup de maître : réhabiliter et faire connaître Carl von Linné, naturaliste et médecin suédois, né en 1707 et qui s’est intéressé très jeune à la botanique et à la codification complexe des plantes et fleurs. L’un des concepts préférés de Linné était l’idée de la grande chaîne de la nature. Pour Carl von Linné, cette notion a pris une importance grandissante. Il considérait, bien entendu, que la création formait une hiérarchie au sommet de laquelle se trouvait l’Homme, d’où son idée de la classification de l’espèce vivante. On sent chez lui un « pré-darwinisme ». Ainsi, Linné, connu avant tout pour ses récits de voyage, s’appliqua à analyser la structure des plantes par des observations qu’il racontait dans ses carnets de voyages qui ont inspirés nombres de scientifiques. Au nombre de ceux-ci, Flora Laponica (1 737) où Linné se considérait comme le précurseur de l’écologie.

Et dans le cadre du tricentenaire de la naissance de Carl von Linné
1, le Centre Culturel Suédois a réussi le pari de faire exposer Helen Schmitz, photographe à la réputation mondialement établie, licenciée en histoire de l’art et vivant à Stockholm. Helen Schmitz est influencée par l’œuvre de Carl von Linné sur la classification des plantes à laquelle elle s'attache à en montrer la pertinence par la photographie. Ainsi sur le thème Système et Passion - Le rêve de Linné de l’ordre et de la nature, Helen Schmitz a fait le choix de « représenter chacune des vingt-quatre classes établies par Carl von Linné » par « un agrandissement des fleurs sur fond noir » et sur des formats de 70cm/90cm2.
Cette exposition s’inspire pour une grande part de son livre "Blow Up" publié en 2003. Helen Schmitz, admiratrice de Linné, s’attache à la lecture studieuse et intelligente des textes du botaniste suédois. Elle montre à travers ses œuvres photographiques que les plantes et les fleurs sont soumises à un système unique de classification des organismes vivants, postulant sur un fondement sexuel des plantes.

Helen Schmitz profite donc de cet automne à Paris pour nous faire revisiter à travers cette exposition les classiques de Carl von Linné, presqu'inconnu du public français. Exposition qui a le mérite de confirmer l'immense talent de cette photographe hors norme.

À voir absolument!


©Johannès Lissa





1 www.linnaeus2007.se.
2 Actuellement au Centre Culturel Suédois jusqu’au 28 octobre 2007 (Centre Culturel Suédois. Hôtel de Marie, 11 rue Payenne, 75003. Paris. Métro Saint-Paul ou Chemin vert. Tél: 0144788015).


Au début des années 1735, le scientifique suédois Carl von Linné, présente son système de classification des plantes basée sur les caractéristiques sexuelles des êtres vivants dans son célèbre livre Systema Naturae. Cette théorie suscita à cette époque un remous dans le microcosme scientifique qui n’accepta pas les comparaisons de Linné avec la sexualité humaine. Mais quelques années plus tard, justice fut rendue au « maître Linné » par le succès retentissant et international que suscita sa théorie. Et aujourd’hui dans son livre, le Rêve et l’ordre dans la nature, Helen Schmitz met en scène les vingt-quatre classes de Linné par d’excitantes et de belles photographies.<