mardi 20 novembre 2007

Berlin à Paris. La conquête parisienne du design allemand.




Critique



Le 20ème anniversaire de l'accord de coopération entre Paris et Berlin permet aujourd'hui aux deux villes européennes d'organiser une multitude de projets culturels. Ainsi depuis l'été à cet automne et concomitamment aux nombreux concerts, cet échange culturel est aussi l'occasion d'organiser deux expositions inédites et uniques. Au "Märkische Museum" à Berlin, l'exposition "Design Reference Paris" présente un panorama du design parisien jusqu'au 4 novembre 2007. En écho à cette exposition, "Le Berlin des créateurs" est organisé à Paris pour donner une vue globale et assez représentative de la scène du design berlinois et des tendances actuelles. Le Berlin des créateurs met donc en scène des artistes aussi inconnus que connus comme Barbara Schmidt. Réussira-t-il le pari?
Cette exposition montre l'environnement particulier des créateurs berlinois aussi ingénieux que doués; un contexte en perpétuel bouleversement et mouvement. Ces artistes ignorent souvent les frontières entre peintres, designers scientifiques, graphistes, ingénieurs... Il existe donc un cloisonnement pour le moins secondaire et assez ténu entre créateurs de modes et designers d'objet et l'exposition reste très marquée par l'absence de frontières entre artistes. Ceci explique sans doute la présence dans la même exposition d' oeuvres de designers industriels, de mode ou de peintres. La fascination exercée par la scène du design berlinois est fortement liée à l'esprit d'initiative de ses acteurs. Ils osent s'affranchir des règles et des conventions usuelles pour innover.
En matière de mode, deux artistes impressionnent par leur créativité et leur inventivité toute grotesques et loufoques.
Ainsi les créations d'Elena Kikina, présentées au public, se distinguent par une méthode de travail inhabituelle parmi les créateurs de mode: la forme d'un vêtement n'est pas l'objectif premier de cette créatrice ingénieuse et rebelle. Mais le résultat d'un processus d'optimisation de paramètres technologiques, économiques, écologiques, fonctionnels et éthiques, ainsi que des critères esthétiques. L'objectif inavoué mais toutefois assumé à travers ses vêtements, est l'individualisation de vêtements produits en série. Elena Kikina a ainsi développé son propre langage formel qui ne cherche pas à représenter le corps tel que l'entendent les coupes traditionnelles. Elle crée plutôt des formes abstraites, souvent basées sur la grille orthogonale du textile. Les variations de la distance voulue par la créatrice entre le corps et le tissu provoquent ainsi un jeu original et séduisant entre la forme et la surface.
Et suivant la même direction, la création Karen Scholz et Joan Tarrago Pamplena donne à voir à un paradoxe aussi saisissant que surprenant: l'absence de frontière. Les deux créateurs vivent entre Barcelone, Paris et Berlin et travaillent dans l'interdisciplinarité entre la peinture et la mode. Dans leur travail pictural, la peinture se libère de son support et investit l'espace. Ainsi, les monstres et héros des illustrations quittent leurs dimensions et passent par le stade d'impressions à reliefs et de broderies pour finalement devenir des monstres à taille humaine, qui enveloppent le corps. Le dessin devient ainsi partie prenante de la coupe. Il devient vêtement, prend corps, et à leur tour, les silhouettes vont servir de toile au peintre. Le blanc, la surface sur laquelle se projette alors le dessin, joue un rôle majeur dans les pièces de ces créateurs. Les dessins de ces deux créateurs transforment les vêtements standard en des pièces uniques, qui font corps avec celui qui les porte et deviennent ainsi un chapitre de son histoire.
Le design industriel ne manque pas non plus de surprendre par son innovation. Läufer+ Keichel développe des objets avec la volonté d'établir un lien durable entre l'homme et l'objet et de donner un visage humain au quotidien. Le lien entre les qualités utilitaires et sensuelles de l'objet est à la source du processus d'une valeur culturelle qui les préserve de l'éphémérité des modes et de la culture du gâchis. Les designers Läufer+ Keichel conçoivent les objets comme des instruments destinés à l'accomplissement de faits et gestes du quotidien, tout ceci étant porteurs de messages symbolique. C'est ainsi qu'ils inventent des biens utilitaires novateurs, dont l'esthétique est en adéquation avec les valeurs humaines de notre "société".
Le Berlin des créateurs cherche plutôt une confrontation avec les attentes du public afin d'imaginer, ensemble les voies possibles d'un futur dans la création.

Lissa Johannès


Informations pratiques

Exposition sur le design Berlinois, 3 oct au 16 déc 2007.
Lieu d'exposition: VIA (Valorisation de l'innovation dans l'Ameublement), 33, avenue Daumesnil, 75012. Paris.
M°Gare de Lyon (ligne 14) ou Ledru Rollin (ligne 1)
Horaires d'ouverture: Exposition gratuite ouverte tous les jours: lundi à vendredi 10h à 13H/ 14h à 18h
Samedi à dimanche: 13h à 18h.
Entrée gratuite
Tél: 01.46.28.11.11.
www.via.fr

Le nu dénudé! Histoire de la photographie des corps.





Critique


La photographie et l'érotisme constituent deux domaines artistiques liés par une longue histoire qui continue de soulever des controverses. Nombre d'artistes se sont évertués depuis des années à déchiffrer les codes obscurs, silencieux et énigmatiques de la photographie de nu. Ceci a conduit beaucoup de photographes à consacrer des ouvrages sur cet aspect particulier de l'art: le Nu.
Livres Nus d'Alessandro Berolotti tente également de répondre à cette énigme étourdissante. Né en 1960 et metteur en scène pour la RAI-Televisione Italiana depuis 25 ans, Alessandro Bertolotti est un passionné de photographie qui partage sa vision du nu dans la la mise en scène des corps de femmes nus. "Le toucher, le désir, la chaleur du corps... sont des valeurs sexuelles, mais non esthétiques. Or, ces deux domaines, radicalement séparés par la pensée, sont intimement liés dans la réalité. Paradoxe qui est présent dans tous les "nus" de l'Histoire". Paradoxe que l'on découvre d'ailleurs à travers les 180 livres collectionnés par Alessandro Bertolotti. En douze chapitres - Académies- Naturisme -Pictoralisme - Avant-gardes européennes - Glamour -République de Weimar - Nazisme - Après-guerre - Le livre japonais- Révolution sexuelle - Gay Sunshine et Récits - l'auteur passe en revue le slivres et photographes qui ont marqué ce genre depuis "l'invention de la photographie à nos jours". On découvre de façon "chronothémathique" les photographes les plus prestigieux et vénérés: Man Ray, Bill Brandt, David Hamilton, Araki, Robert Mapplethorpe, Pierre Molinier, Germain Krull, Hans Bellmer, Bettina Rehms...
Si dans les années 1970, les photographes utilisent le livre pour raconter une histoire, où il est surtout question des "sentiments et d'introspection psychologique", l'auteur italien nous fait découvrir de nombreux photographes oubliés voire inconnus qui portent de nouvelles identités, marginales et anticonformistes appelant à la révolte contre un système traditionnel.
Alessandro Bertolotti collectionne alors les livres érotiques et des livres de nus depuis plus d'une trentaine d'années. Sa riche collection est conservée à la Bibliothèque Nationale de France et est en grande partie exposée actuellement à la Maison Européenne de la Photographie jusqu'au 6 janvier 2008. Rendant hommage au images d'archives, cette publication novatrice et tapageuse s'adresse aux passionnés d'édition ainsi qu'aux graphistes.



Informations pratiques
Livres de Nus, éditions La Martinière/ MEP, 49 euros, 280, 25/28cm
Maison Européenne de la Photographie 10 oct 07 au 6 janv 08
5/7 Rue de Fourcy. 75004 Paris
Tél: 01.44.78.75.00
www.mep-fr.org
Ouverture du mercredi au dimanche inclus de 11h à 19h45.
Fermeture lundi, mardi et jours fériés.